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Nos académiciens sont sensibles à notre cri du cœur
Novembre 2002. Un sentiment d’injustice nous ronge, nous, armaturiers de France. Nous qui, à la sueur de nos fronts, au fil de notre imagination, à la pointe d’un savoir faire ancestral ; rendons possible le monde des hommes tel que vous le voyez grandir chaque jour. Notre travail est là, invisible à vos yeux ; vous qui en bénéficiez quotidiennement sans le savoir. Invisible, comme autant de forces vitales. Aussi inapparent et méconnu qu’indispensable à la bonne marche de ce monde moderne, dans lequel le génie humain ne cesse de nous pousser. Alors que depuis deux ans nous essayons, à la mesure de nos moyens, d’obtenir une reconnaissance ô combien méritée ; nous sommes gardés dans l’ombre. Retranchés derrière un credo bien connu, lui, que nous avons fait notre : « L’essentiel est invisible pour les yeux ». En effet, chaque jour, le fruit de notre travail, ces tonnes d’acier assemblées à la main à la manière d’œuvres d’art, disparaît sous des tonnes de béton ; et nous disparaissons avec lui. Combien de temps vivrons-nous cette injustice à l’égard d’un métier noble ? Combien de temps devrons-nous nous justifier d’employer le mot pourtant légitime d’ « Armaturier », un néologisme vieux de 40 ans, pour nous définir ? Depuis l’an dernier, nous prenons part à la réalisation du Viaduc de Millau. Le plus haut, et le plus long du monde. Nos compagnons de travail ne savent plus que faire de la couverture médiatique et des louanges d’une planète admirative. Pourtant pour nous, pas un mot. Jamais. Encore et toujours ce silence insupportable qui commence à nous définir. Combien de temps encore ?…
Le 12 novembre 2002, nous franchissons donc un pas vers le droit qui nous est refusé depuis bien trop longtemps : le droit à une définition, bref le droit d’exister. Ainsi, nous écrivons individuellement à chaque membre de l’Académie Française. Nous leur exposons nos maux, ainsi que quelques suggestions de définitions. Ce soir-là, c’est une flamme d’espoir qui s’allume dans le cœur de toute une profession : celle des armaturiers de France.
Sensibles à notre plaidoyer, nos académiciens nous ont aussitôt assurés de la justesse de notre demande de reconnaissance, et de sa prise en considération :
« Je trouve ce combat pour la reconnaissance d’un métier, très noble ; il est rare de rencontrer des entrepreneurs qui ont su garder intacte la passion pour leur métier. Un métier manuel tel que celui d’armaturier développe autant de noblesse et de savoir faire que le métier d’ingénieur ; il semble alors tout à fait logique qu’il soit reconnu dans la langue française » affirme Jean d’Ormesson, avec lequel nous avons eu deux entretiens téléphoniques.
« Le mot armaturier est très beau » écrit Pierre Rosenberg, également désolé du délai qui nous sépare de l’étude de la lettre A, « et je ferai mes efforts pour qu’il entre dans notre dictionnaire » ;
« Je transmets votre lettre et les documents joints au service du dictionnaire de l’Académie française qui en fera rapport devant la commission. Soyez assuré que nous porterons à votre demande toute notre attention » précise Maurice Druon, le secrétaire perpétuel honoraire.
« Tout vient à point à qui sait attendre… »
Bientôt viendra l’heure du A comme « armaturier ». Alors, notre métier existera au grand jour…
Merci à nos académiciens pour ces encouragements. Notre requête a été utile.
Aujourd’hui, le mot qui nous est cher, notre mot, n’a toujours pas fait son entrée dans les dictionnaires. Cela dit, nous restons confiants. À l’Académie Française raisonnera bientôt l’heure du « A », et ce jour-là, le mot « Armaturier » raisonnera haut et fort dans notre cœur à nous.